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P comme... Père de famille

       Marchand de vaches et chevaux, journalier, mendiant, voleur, usager de fausse monnaie... François BEDOUIN était tout cela à la fois...Mais c'était aussi un mari et un père, et j'aimerais le considérer un moment sous cet angle...

 

       Il est des questions insolubles (sauf chanceuse exception) qui assaillent par moments le généalogiste : cet homme, cette femme, dont je retrace le parcours familial, professionnel, sociologique... au fond, quel homme, quelle femme, était-il? était-elle? Etait-il doux ou brutal? débrouillard ou stupide? égoïste ou généreux? Etait-elle active ou apathique? timide ou expansive? futée ou butée??... Et surotut, était-ce humainement "quelqu'un de bien"?...

 

 

      Pour l'immense majorité de nos ancêtres nous n'aurons jamais la réponse... Tout juste peut-on, parfois, tenter une hypothèse, malheureusement invérifiable...

       Mais, à tort ou à raison, je ne peux m'empêcher d'imaginer François BEDOUIN en bon père de famille, attaché aux siens...

 

 

       Marié deux fois, il a vu naître 12 (13*?) enfants, dont la plupart mourront en bas âge..

       Il épouse à 22 ans une femme plus âgée que lui de dix ans. Leur premier enfant mourra dès le lendemain de sa naissance.

       En 1768, après 10 ans de mariage, en quelques jours, François perd une petite fille de presque trois ans et sa femme : le curé note à la fin du registre : "Cette année les pluies ont commencé au mois de juin et ont continué jusqu'en novembre, ont empêché la récolte, et ont occasionné une maladie épidémique". François et Marie avaient déjà enterré une petite fille 3 ans auparavant...

 

 

       Le maquignon se retrouve veuf à 32 ans, avec sur les bras une petite fille de 8 ans 1/2, Françoise. Son métier l'envoie régulièrement sur les routes de la région, il ne peut pas s'occuper d'elle, et, comme c'est fréquent à l'époque, il se remarie très vite : fiancé tout juste quatre mois après la mort de sa première femme, il épouse Anne PENART, une jeune fille de la Chapelle des Fougerets, sans doute rencontrée en allant à quelque foire vendre vaches ou chevaux...

       8 (ou 9?) enfants vont naître. Et de nouveau, beaucoup vont mourir très jeunes : un an, deux ans, trois ans, trois mois...

 

Nicolas Lépicié - détail

 

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Quels pouvaient être les sentiments de François pour ses enfants?

 

       Une idée courante veut que, la mortalité infantile étant énorme à cette époque, les parents ne se soient guère attachés à leurs rejetons pendant leur petite enfance... Je n'y crois guère... Déjà Malherbe, deux siècles auparavant, ne demandait-il pas à un père inconsolable de la mort de sa fille tout juste née : "Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle?"...

 

       Et une phase prononcée par François lors de l'un de ses interrogatoires et dont j'ai déjà parlé me semble révélatrice : en mai 1785, il évoque sa voisine Gilette FOUCRAY "pénétrée du chagrin d'avoir perdu son enfant qui était le seul garçon qu'elle avait"... J'y vois un miroir de la propre situation de François : lorsqu'il fait cette déclaration, il lui reste un petit garçon, Jean, mais il sait comme la vie de ces petits est fragile, et effectivement, Jean va mourir en septembre... Comme Gilette FOUCRAY, François, père de 12 enfants dont 5 garçons, n'a vu survivre que des filles... Et le chagrin de "perdre son enfant" lui est hélas fort connu.

 

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       Ses filles vont être évoquées au détour des interrogatoires, comme autant de petits cailloux qui me laissent à penser qu'il les aimait... en tout cas qu'il était proche d'elles...

Nicolas Lépicié - détail

 

       Certes, assez curieusement, en 1774, il marie l'aînée, fille du premier lit, à l'âge précoce de 14 ans! Je me suis demandé pourquoi : les relations étaient-elles tendues avec sa belle-mère, et François a-t-il voulu se débarrasser d'un souci domestique? Peu probable, étant donné que la jeune fille va rester à La Madeleine, le hameau où vivent son père et sa belle-mère. Peut-être même, d'ailleurs, le couple s'installe t-il sous leur toit, car le marié c'est pas beaucoup plus vieux que sa promise, et il ne s'agit donc pas non plus d'une sorte d'opération financière, épouse jeune contre époux riche... La mariée serait elle enceinte? pas impossible, bien qu'aucun enfant de ce couple ne naisse avant plusieurs années (une fausse couche précoce??)... Amour irrépressible à la Roméo et Juliette? Peu crédible sociologiquement... Je n'aurai jamais la réponse, impossible donc de savoir si François était agacé ou satisfait de ce mariage... En tout cas, pendant plusieurs années, sa fille Françoise continuera à vivre à deux pas de lui... Le mariage ne l'a pas éloignée...

 

       Tandis qu' il est emprisonné à Combourg, le 25 mai 1785, "ça été sa fille qui vint hier le voir et qui lui parla à la porte, qui lui a dit que ce particulier était venu reprendre son cheval."... Pour cela, la jeune fille a dû parcourir à pied près de 20 kms aller (plus le retour à prévoir) pour lui donner des nouvelles de la situation à la maison. Il s'agit probablement de Jeanne, qui a 14 ans à l'époque. Françoise, l'aînée, a 22 ans, et, déja veuve et remariée, a sur les bras une petite fille d'un an et demi, il est donc douteux qu'elle ait pu le faire ( d'autant que depuis quelques années, son père et sa belle mère ayant déménagé aux Iffs, elle n'est pas la mieux placée pour avoir des informations précises). Anne n'a que 11 ans et Marie 7. Elles sont certainement restées auprès de leur mère...

 

       En novembre 1789, François part au moins deux jours à la foire de Bourbarré avec "sa fille". Cette fois, je pense qu'il s'agit d'Anne, qui a maintenant presque 16 ans. Jeanne, 19 ans, est certainement partie travailler comme domestique, et Marie, 11 ans, est toujours trop petite...

 

       En août 1790, dans les jours qui suivent sa sortie de prison, je sais qu'il est à Rennes avec Anne (j'y reviendrai dans l'article Q )

 

       Après sa dernière sortie de prison, entre 1801 et 1807, il part finir sa vie à Lorient chez sa fille Marie, avec sa femme et sa fille Anne.

 

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      Malgré toutes ses vicissitudes judiciaires, ses arrestations, ses séjours en prison, François n'a donc jamais été abandonné par sa femme et ses filles, et la famille s'est toujours serré les coudes pour survivre à une époque cruelle. Je veux croire qu'il y avait entre eux une réelle affection et pas seulement des liens d'obligation...

 

 

 

Tag(s) : #Challenge AZ, #Famille BEDOUIN
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