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Y comme... Y-a-t-il...?

       Parvenue presque au terme de ce challenge, Y-A-T-IL quelque chose que je voudrais "augmenter ou diminuer" à mes articles, pour reprendre l'expression* qui conclut les témoignages et interrogatoires au XVIII° siècle?

 

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       Eh bien, je persiste sans diminuer ce que j'ai écrit. Par contre, j'aimerais augmenter deux points.

 

 

       ¤ Tout d'abord à propos du temps :

 

 

       Je ne sais pas si, comme moi, vous aviez été "titillés" par un détail lors du témoignage de Pierre GUILLEMER: en effet, celui-ci expliquait que François BEDOUIN était venu lui payer le "restant du prix d'une vache qu'il lui avait vendue" "il y eut mercredi huit jours environ deux heures de nuit et étant lors couché".

 

       J'avais trouvé pour le moins bizarre cette visite nocturne à un voisin pour faire une transaction commerciale. Bizarre aussi que ni le témoin en question ni les juges n'aient trouvé bizarre cet horaire. Bizarre, bizarre, vous avez dit bizarre?...

 

       Eh bien, en fait, depuis la parution de mon article, le hasard a voulu que mon fils, tempérament curieux et éclectique, me parle du sommeil biphasé et de son ancienneté.

 

       L'historien Guillaume GARNIER a travaillé sur les archives judiciaires de Poitiers, et confirme que ces activités nocturnes étaient chose normale autrefois :

       "Ce qui m'a le plus étonné, c'est de retrouver des gens qui n'étaient pas considérés comme des noctambules, des gens des classes populaires qui se réveillaient en plein milieu de la nuit, vers une heure ou deux heures, pour des actes classiques. Vider des pots de nuit par la fenêtre, par exemple, en milieu urbain. Visiter des bêtes quand on est en milieu rural, pour être sûr que tout se passe bien, éviter des vols. Cela pouvait être aussi des rapports sexuels. (On disait que les enfants conçus dans la nuit étaient en meilleure santé que les autres)"

 

 

 

       Et l'historien américain Roger Ekirch, qui a longuement travaillé sur le sujet, explique que nos ancêtres dormaient en deux fois, avec une phase de veille entre les deux. Ils se couchaient peu après la tombée de la nuit, se relevaient vers minuit, se consacraient à quelque activité, et se recouchaient jusqu'à l'aube.“Les gens s’adonnaient aux activités les plus variées, comme brasser de la bière ou… aller voler le bois du voisin. D’autres restaient couchés. C’était pour eux un moment très important, voire sacré, pendant lequel ils réfléchissaient aux événements de la journée, méditaient et priaient.”

 

       Ce sont l'électricité et la révolution industrielle qui ont fait disparaître ce rythme apparemment séculaire, qui peut d'ailleurs expliquer pourquoi certains d'entre nous se réveillent parfois en pleine nuit, et ne retrouvent le sommeil qu'au bout d'une heure ou deux... Ce que l'on considère aujourd'hui comme un problème d'insomnie n'est somme toute sans doute qu'un rythme assez naturel devenu anachronique.


 


 

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       ¤ Et sinon, je pense que voici venu le moment de vous donner la solution du problème que j'avais posé l'autre jour:

 

"Sachant qu'un demeau est la moitié d'une ruche, qu'une ruche vaut 25 pots, qu'un pot vaut deux pintes, une pinte vaut deux chopines, une chopine vaut 0,476 litre, et que trois demeaux de blé noir valent un écu d'argent, soit six livres, combien coûtait un kilo de blé noir en Bretagne au début de la Révolution?"

 

       Ce n'était pas le tout de vous poser une colle, encore fallait-il m'y coller moi-même. Donc :

 

2 chopines= 0,476 Lx2 = 1 pinte = 0,952L

2 pintes = 0,952L x2 = 1,904 L = 1 pot

25 pots = 1,904 L x 25 = 48,5 L = 1 ruche = 2 demeaux

1 demeau = 48,5 L divisés par 2 = 24, 25 L

3 demeaux = 24,25 L x 3 = 72,75 L

72,75 L valent 1 écu d'argent = 6 livres

 

1 livre = 20 sous  donc 6 livres = 120 sous

 

1 litre de blé vaut donc 120 sous divisés par 72,75 L = 1,64 sou

 

       Mais maintenant, il faut trouver l'équivalence litre/kilo, car bien sûr, si 1 litre d'eau = 1 kilo , ce n'est pas la même chose pour tous les ingrédients. NI même toutes les céréales!!!

 

j'ai trouvé* a priori que

 

 

       mais bien sûr je n'ai pas trouvé l'équivalence pour le blé noir (autrement dit le sarrasin). Je réalise que j'ai du sarrasin et une balance à la maison, je pourrais donc y aller de ma petite expérience, mais bon, j'ai la flemme ;>

 

 

 

        Surtout qu'en fait, après avoir trouvé l'obscur embryon de définition signalé dans mon article Lard et saucisses, j'avais découvert dans mon désormais indispensable "Etude et glossaire des patois comparés de l'arrondissement de Saint-Malo" de Charles Lecomte une définition du "demeau" dans la région de Dol, Tinténiac et autre St Malo, qui dispense du calcul assez tordu que je vous avais soumis. Enfin, qui dispense, vraiment??... jugez-en plutôt par vous mêmes :

 

 

       Bref, sans même parler du fait qu'il nous faut maintenant trouver comment convertir le boisseau en mesure moderne, le demeau, sur un même territoire, pouvait varier du simple au double, et en prime, tout dépendait de ce qu'on mesurait!!... Décidément, cette question des poids et mesures sous l'Ancien Régime était un casse-tête insoluble.

 

        Alors, VIVE LE SYSTEME DECIMAL!!!

 

       Je resterai donc sur ma faim quant au calcul exact du prix du blé noir à Tinténiac en 1785, mais j'ai gagné un nouveau mot pour ma collection! ;)

 

 

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       ¤ D'autres choses à "augmenter"?

 

       Pour reprendre une des nombreuses maximes de ma mère qui m'accompagnent toujours aujourd'hui, "le mieux est l'ennemi du bien", et il faut savoir s'arrêter à temps...

 

       Je vous dis donc à lundi pour le dernier article de ce challenge!

 

 

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Notes:

 

* "Telle est sa déposition de laquelle lecture lui faite au long par notre adjoint a dit qu'elle est véritable y persister et n'y vouloir augmenter ny diminuer " (Archives judiciaires des AD de Rennes, série 2B)

*https://www.grainscanada.gc.ca/fr/qualite-grains/classement-des-grains/facteurs-de-classement/tableaux-de-conversion/ble-conversion.html

 

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Sources :

 

- Guillaume GARNIER : L’oubli des peines. Une histoire du sommeil (1700-1850)

- Roger EKIRCH : At day's close : Night in times past

- Charles Lecomte : Etude et glossaire des patois comparés de l'arrondissement de Saint-Malo

Tag(s) : #Challenge AZ
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