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  Rubans de Lyon -1736 - in : Echantillons de Rubans des Manufactures de France et etrangeres recueillis par le Marechal de Richelieu - gallica-bnf.fr

  Rubans de Lyon -1736 - in : Echantillons de Rubans des Manufactures de France et etrangeres recueillis par le Marechal de Richelieu - gallica-bnf.fr

     Tous mes Acadiens de première génération sont déjà installés en Acadie lors du recensement de 1671. Tous, sauf un!

       En effet, on ne trouve la première trace de Jean (Baptiste)* DUON en Acadie que le 27 février 1713 - soit tout juste un mois et demi avant la signature du traité d'Utrecht marquant la perte définitive de l'Acadie par la France -, lorqu'il épouse Jeanne HEBERT à Port-Royal; il a 29 ans, elle 17.

 

       Si lui est récemment arrivé sur ces terres américaines, sa jeune femme représente la 4° génération acadienne par sa grand-mère Marie GAUDET fille du pionnier Jean GAUDET, et la 3° par son grand-père Etienne HEBERT arrivé à Port Royal avant 1650.

 

       Au recensement de 1714, Jean Baptiste apparaît sous le sobriquet de "Lyonnais" ("Lionnois"). Et c'est bien là une énigme : comment et pourquoi ce DUON s'est-il décidé un jour à émigrer en Acadie, 50 à 60 ans après la plupart des autres pionniers ? D'autant plus que, alors que la plupart des premiers acadiens étaient originaires surtout de l'Ouest de la France (Saintonge, Poitou...) et travaillaient comme laboureurs, tonneliers, maréchal-ferrand, chirurgien..., métiers indispensables à l'installation d'une colonie, lui appartenait à une famille de soyeux de St Etienne en Forez et de Lyon.

 

La puissante et importante ville de Lyon, archevêché et métropolitaine des Gaules  Bibliothèque nationale de France, GED-4552

 

       Son arrière grand père Jean DUON l'aîné (mon sosa 4992) était "marchand tissotier*" à la Metare près de Saint Etienne.

 

  Rubans de Lyon -1736 - in : Echantillons de Rubans des Manufactures de France et etrangeres recueillis par le Marechal de Richelieu - gallica-bnf.fr

 

 

        Son grand-père, Mathieu DUON (S 2496), "marchand de Saint Etienne", avait épousé Catherine PEYRIEU (S 2497), fille de Gabriel, également marchand tissotier, le 26 mai 1635 .

     Son père, Jean Louis DUON (S 1248), était maître passementier*, tout comme ses oncles Jean Baptiste et Jean le Cadet. Jean Louis avait quitté St Etienne pour Lyon à l'âge de 37 ans, deux ans avant de se remarier, le 22 juin 1683, avec Jeanne CLEMENSON (S 1249). Jean Baptiste sera le premier né du couple, le 31 octobre 1684, baptisé le lendemain paroisse St Vincent. Son parrain sera son oncle Jean DUON, " marchand de soies de St Nizier, petite rue Mercière", mari de Françoise BROCHAY, fille de "feu Jean BROCHAY marchand maître teinturier de soie à Lyon".

AM Lyon / paroisse St Vincent - vue 33 / 132

1750 plan de Lyon - Petite Rue Mercière

 

       Toute la famille de Jean (Baptiste) DUON vivait donc de la soie, et l'on se mariait entre fils et filles de maîtres passementiers, veloutiers, teinturiers en soie, guimpiers, dans une parfaite endogamie sociale... Son frère Mathieu (né en 1699) ne faillira pas à la tradition : il sera "maître fabricant d'étoffes de soie", puis "maître veloutier" ; sa soeur Simone épousera en 1729 Alexis MAYOUD, "maître boutonnier".

 

 

       Alors, pourquoi donc Jean Baptiste décide-t-il un jour d'abandonner un avenir tout tracé dans la soierie lyonnaise pour traverser l'océan et aller se construire une vie totalement différente, entre mer et forêt, dans une ébauche de pays??? Ses parents sont toujours vivants lors de son départ (son père décèdera le 26 octobre 1720, sa mère plus tard). Son frère Mathieu a une douzaine d'années, sa soeur Simone deux ou trois ans... Alors qu'il est le seul jeune adulte de la fratrie, pourquoi n'a-t-il pas pris la succession de son père septuagénaire?

 

 

       D'autant plus qu'il a très certainement appris le métier de son père. Il est très probablement le "Jean DUON" inscrit comme apprenti passementier en juillet 1698 : il a alors 13 ans et demi, âge classique pour entrer en apprentissage, et c'est le seul Jean de cette tranche d'âge que j'aie relevé à l'époque à Lyon. La formation durait 5 ans, ce qui lui permettait, en tant que fils de maître de devenir maître à son tour dès 18 ans et demi, son statut familial le dispensant du passage par le statut de compagnon.

 

Archives municipales de Lyon - La grande fabrique de soie - Liste des apprentis commencée le 12 janvier 1689 et finie le 26 aoust 1707 - cote HH 597

 

"Jean DUON est inscript aprentis avec Anthoine CAPLACER(?)Maître de notre art après avoir veu son acte d'aprentissage DUON 5(??)juillet 1698. Receu de LAFAY et MONTAGNON notaire royaux de cette ville par nous le 24° août 1698"

 

      Or curieusement, c'est précisément à cette période-là qu'il va quitter Lyon et la France. Il est tout à fait impensable qu'il soit parti chercher un nouveau débouché pour les passementeries familiales : les Acadiens étaient trop peu nombreux et ne pouvaient pas constituer un marché pour ce type de produits... S'installer à Port-Royal était pour Jean Baptiste une rupture radicale et définitive avec ses origines sociales et son mode de vie. Alors, quid? Etait-ce une question de caractère ou de circonstances? Avait-il, chevillé au corps, un véritable esprit d'aventure, l'envie de découvrir des horizons lointains...? Fuyait-il un conflit familial, un chagrin d'amour?... Avait-il des ennuis avec la justice?... Rêvait-il de grands espaces, ou était-il un fils rebelle en rupture de ban ??? Cette question restera malheureusement sans réponse, une véritable Enigme...

 

***

 

       Toujours est-il qu'il a rapidement trouvé sa place dans la colonie de Port-Royal, comme le montre son mariage avec une toute jeune fille issue d'une déjà "vieille" famille locale. De plus, venant d'une famille plutôt aisée et éduquée, une quinzaine d'années après son arrivée, en 1727, il est nommé notaire de Port Royal par le gouverneur Armstrong....

       Père de 13 enfants dont 11 deviendront adultes, après plus de 30 ans passés en Acadie, il sera inhumé à Port Royal à l'âge de 61 ans, le 6 mai 1746. Cela lui épargnera le chagrin de voir sa famille totalement éparpillée sur la planète moins de 10 ans plus tard lors de la tragédie qui allait frapper le peuple acadien.

 

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Notes :

* Lors de son baptême et de son mariage, il est appelé Jean, mais Jean Baptiste à son décès, puis, 30 ans plus tard c'est par ce double prénom que le désigne son fils Cyprien. C'était visiblement son prénom d'usage.

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Glossaire :

 

passementier : s. m. (Art. méchaniq.) ouvrier & marchand qui fait & vend des passemens ou dentelles. Les autres ouvrages que peut fabriquer le passementier sont des guipures, des campanes, des crespines, des houpes, des gances, des lacets, des tresses, des aiguillettes, des cordons de chapeaux, des boutons, des cordonnets, des rênes, des guides & autres ouvrages & marchandises semblables. (Diderot et d'Alembert)

tissotier : ancien nom du passementier

veloutier : celui qui fabrique du velours

guimpier : fabricant de fil d'or pour les rubans, galons...

 

Tag(s) : #Ancêtres Acadiens, #Challenge AZ 2021
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