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Déclaration généalogique d'Honoré DAIGRE à belle Isle en Mer en 1767

Déclaration généalogique d'Honoré DAIGRE à belle Isle en Mer en 1767

         Nous avons vu que les Acadiens étaient pour la plupart dotés d'une solide constitution, qui leur permettait de vivre longtemps. Toutefois, les soubresauts de l'Histoire sont venus plus d'une fois couper trop tôt le fil des Parques, et les différentes phases de déportation de 1755 à 1763 ont provoqué de véritables hécatombes.

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       Le 6 février 1767, 16 mois après leur arrivée à Belle Isle, mon ancêtre Honoré DAIGRE (S 314), et ses frères Olivier et Paul, nés à la Rivière aux Canards en Acadie quelques décennies plus tôt, se rendent à Palais afin de déclarer leurs généalogies en présence de 4 témoins et de Messire Jacques Marie CHOBLET recteur du Palais, official de l'île, et de Messire Jean Louis LE LOUTRE, le prêtre missionnaire si attaché à ses Mi'kmaqs et à ses Acadiens.

 

       Au fil de ses déclarations, Honoré est amené à expliquer qu'il a été "marié en premières noces, à la rivière aux Canards le 15 mai 1748 à Françoise Ozite DUPUIS". De ce mariage, "sont nés à la Rivière aux Canards paroisse Saint Joseph, Joseph Pierre le 4 mars 1749 et Jean Baptiste le 14 avril 1755 ". Mais Françoise meurt, sans doute de la variole, à Falmouth pendant l'exil anglais, le 22 novembre 1756. Joseph Pierre avait alors 7 ans 1/2 et Jean Baptiste 18 mois.

 

       Après 10 mois de veuvage, Honoré épouse"en seconde noce à Falmouth le 10 septembre 1757 " Marguerite Landry, née comme lui à la Rivière aux Canards et également veuve.

 

       Marguerite avait épousé en premier mariage Cyprien THERIOT. Marguerite et Cyprien avaient eu 5 enfants en Acadie : un garçon qui décèdera bébé lors des péripéties du Grand Dérangement ; Pierre, né en 1742, qui se marie à Morlaix le 28 janvier 1766 avec Elisabeth TRAHAN, une autre Acadienne (avec dispense de consanguinité); Marie, née en août 1745, Marguerite, née en 1748, et Elisabeth1 , née en novembre 1750. Les 4 enfants de Marguerite resteront vivre à Morlaix.

 

       La famille de Marguerite a été particulièrement frappée lors de l'automne 1756 pendant l'épidémie de variole : ses parents, Antoine LANDRY et Marie MELANSON, dont elle avait été séparée lors du départ de Virginie, décèdent tous deux à Southampton, tandis que près d'elle à Falmouth, Agnès AUCOIN sa belle-mère, Charles THERIOT son beau-frère meurent en octobre, et son mari Cyprien en décembre. Marguerite se retrouve soudain seule avec 4 enfants âgés de 6 à 14 ans.

 

       Lorsqu'ils se marient en septembre 1757, Honoré et Marguerite sont donc en charge de 6 enfants, deux petits DAIGRE et quatre THERIOT. Il vont avoir ensemble un autre enfant, car le 10 janvier 1759 naît le petit Joseph Firmin Clément, toujours pendant l'exil à Falmouth.

 

       Malheureusement, deux ans plus tard, le 19 février 1761, Marguerite meurt à son tour, toujours en Angleterre...

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       De nouveau seul avec maintenant 7 enfants nés de divers lits à charge, Honoré va se marier en " troisième noce à Falmouth le 29 septembre 1762 à Élisabeth TRAHAN née à la rivière aux Canards".

 

       Élisabeth TRAHAN, 3° épouse d'Honoré DAIGRE, était elle aussi veuve : elle "s'était mariée en première noce à la rivière aux Canards paroisse Saint Joseph le 15 mai 1748 à Charles THERIOT [..] frère germain du dit Cyprien THERIOT mari de feu Marguerite LANDRY, et issu du même aïeul, le dit Charles THERIOT décédé à Falmouth le 15 octobre 1756". La variole, toujours...

 

       Dans la petite communauté acadienne assignée à Penryn, près de Falmouth, où seule la solidarité du groupe et le sens du clan familial permettait de faire face à tant d'adversités, Honoré DAIGRE (S 314) et Elisabeth TRAHAN (S 315), beau-frère et belle-soeur par alliance, tous deux âgés de 36 ans, regroupent donc leurs forces. Elisabeth a une fille de son premier mariage, Marie THERIOT, née en août 1749 à la Rivière aux Canards. Cette petite Marie âgée de presque 13 ans est la cousine des 4 enfants THERIOT de Marguerite, dont Honoré a la charge; ils vont devenir une sorte de fratrie, et Honoré se retrouve maintenant à la tête d'une petite tribu de 8 enfants nés de trois mères et de trois pères différents. Et on parle aujourd'hui de familles recomposées comme si c'était une nouveauté!...

 

       D'ailleurs, en 1773, à Belle-Isle, Pierre, le fils aîné du premier mariage d'Honoré, finit par épouser Marie THERIOT, fille de la troisième épouse de celui-ci, et nièce de la deuxième... (Qui a dit que la généalogie, c'était simple? ;>). Ce Pierre se fit marin, et je l'ai retrouvé "2° tonnelier" sur un navire négrier parti de Nantes le 3 juillet 1772 vers l'Angola, et revenu le 6 août 1773 avec 248 esclaves, juste un mois avant le mariage. Décidément, que ce soit par Nantes ou par la Louisiane , la terrible réalité de l'esclavage s'infiltre dans ce challenge...

 

***

 

 

       Mais une dizaine d'années plus tôt, pour Honoré et Elisabeth, après 8 années d'errance et de souffrances, le vent de l'Histoire va bientôt souffler des jours meilleurs : une fois de plus, mes ancêtres acadiens vont être le jouet de la politique européenne et des rivalités franco-anglaises, mais pour une fois ce sera en leur faveur, et en 1763, en vertu du Traité de Paris, le roi d'Angleterre envoie les Acadiens retenus dans ses ports depuis 7 ans vers la France.

 

       Le 26 mai 1763, Honoré, Elisabeth et leur tribu embarquent donc avec les 149 autres acadiens de Falmouth sur la flûte du roi La Fauvette commandée par le Sieur GOURAU en direction de Morlaix. Ils vont découvrir la France, que leurs ancêtres avaient quittée plus d'un siècle plus tôt... Elisabeth est enceinte de 7 mois : le petit Jean François va naître à Morlaix le 21 juillet.

 

       Honoré et Élisabeth auront encore deux enfants ensemble : Joseph Michel naît le 10 octobre 1766, un an après leur arrivée dans l'île, dans l'afféagement de Chubiguer à Belle Isle en Mer où la famille est enfin installée, et finalement Catherine, qui naîtra également à Chubiguer le 21 février 1769.

 

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       Cette petite Catherine est ma Sosa 157. Je dois dire que cette histoire me donne le vertige : sans tous ces veuvages et remariages, je n'existerais pas... De façon générale, quand on y réfléchit, la probabilité de notre venue au monde est tellement infime... Déjà biologiquement, puisque seule une gamète sur des milliards va rencontrer une autre sur des centaines... Mais que dire quand les unions de nos divers ancêtres dépendent tellement des tempêtes de l'Histoire?...

 

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Notes :

1) La municipalité de Saint Martin des Champs, près de Morlaix, présente sur son site l'histoire d'Elisabeth sous le titre "Quand la paroisse de Saint-Martin accueillait les réfugiés d’Acadie"

Pierre, le frère aîné, finalement quittera Morlaix pour Nantes et embarquera pour la Lousiane en 1785.

Marguerite décèdera à Morlaix le 9 novembre 1769 à l'âge de 21 ans et sera inhumée en présence de ses trois frère et soeurs.

Tag(s) : #Ancêtres Acadiens, #Challenge AZ 2021
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