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Hélas, la déportation des Acadiens ne se limite pas aux drames de 1755.
Notamment en 1758, après la chute de la forteresse française de Louisbourg, les Anglais organisent une nouvelle expulsion d'Acadiens, depuis l'Ile Saint Jean (aujourd'hui Ile du Prince-Edouard) et l'Ile Royale (aujourd'hui Cap Breton), en direction de la France, cette fois.
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Jacques NIcolas Bellin - 1744
Cinq bâtiments, - le Yarmouth, le Patience, le Mathias, le Restoration et le John Samuel - transportant 1033 Acadiens et partis depuis la fin novembre 1758, accostent à St-Malo le 23 janvier 1759. S'il y a eu 3 naissances pendant la longue traversée, 339 personnes manquent à l'appel, "morts en mer". Mais le débarquement à Saint Malo, terre française, ne marque pas la fin du drame pour les passagers, car 156 encore vont mourir à l'hôpital dans les mois suivants. Des 1033 acadiens déportés de l'île St Jean, seuls 538 survivront, soit un taux de mortalité de près de 50%!!
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Le registre paroissial de Saint Malo de 1759 est rempli de la triste litanie des décès d'Acadiens débarqués de ces bateaux, à commencer par le terrifiant acte du 24 janvier, au lendemain de l'arrivée des "5 paquebots anglais" :
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AD Ille et Vilaine St Malo vue 5 / 41
"Huit personnes mortes à bord d'un transport venant de l'Acadie
sans qu'on ait su si c'étaient hommes ou femmes, garçons ou filles,
3 desquelles étaient grandes,
les autres d'environ 11, 10, 8 et 1 de ?? ans,
inhumées le 24 janvier 1759 gratis dans le cimetière
par moi ?? en présence des soussignés..."
Il s'agit des cadavres des derniers morts sur les transports, que les Acadiens, à la perspective de bientôt toucher terre, n'ont pu se résigner à jeter à l'eau comme ceux des décédés en pleine mer.
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Des familles entières sont décimées. Je ne prendrai qu'un exemple, celui de Pierre DAIGLE, charpentier de 68 ans, petit-fils de mon ancêtre Olivier (S 2512), qui est déporté avec sa 2° femme Marie TESTARD, 52 ans, son fils Olivier, 42 ans, sa bru Angélique DOIRON, 32 ans, et ses 11 petits-enfants. Les 7 plus jeunes enfants, âgés de 11 à 2 ans, meurent en mer pendant la traversée :
Mort en mer Charles DAIGUE (sic) 10 ans leur fils
Mort en mer Paul DAIGUE 2 ans idem
Mort en mer Joseph DAIGUE 8 ans idem
Mort en mer Jean-Pierre DAIGUE idem
Mort en mer Jean-Baptiste DAIGUE idem
Mort en mer Firmin DAIGUE idem
Morte en mer Geneviève DAIGUE leur fille*
Marie, la femme de Pierre, meurt à l'Hôtel Dieu de Saint Malo le 11 février :
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Le vieux Pierre, 8 jours plus tard, le 19 :
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Angélique, la femme d'Olivier, encore 8 jours plus tard, le 27 :
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et Olivier à son tour, le 2 mars :
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Les enfants survivants, Marguerite, 18 ans, Miniat, 15 ans, Ozite, 13 ans et Marie Rose, 11 ans, se retrouvent orphelins dans un pays qui leur est inconnu. 4 survivants sur une famille de 15 personnes...
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Plusieurs autres DAIGRE meurent également à l'hôpital de Saint Malo à la même période, je n'ai pas encore pu déterminer si ce sont des frères, cousins ou neveux des précédents, mais tous sont des descendants du pionnier acadien Olivier DAIGRE (S 2512), arrivé à Port-Royal près d'un siècle plus tôt avec le paisible projet de créer une ferme dans un pays en devenir...
Il s'agit de Jean, 60 ans, mort à l'hôpital 18 février , dont la femme et la fille Isabelle sont mortes pendant la traversée; Charles, 25 ans, mort le 29 mars, dont 2 enfants, de 3 ans et 15 jours, sont morts en mer; 2 petites filles de 4 et 2 ans, filles d'un autre Jean DAIGRE, mortes en mer; François DAIGRE, 50 ans, mort à l'hôpital le 14 février, peu après sa femme et avant son fils de 20 ans...
Toutes ces inhumations se font "gratis", car ces pauvres déportés, qui jouissaient d'une situation confortable en Acadie, ont absolument tout perdu.
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Le nombre des victimes de la déportation de 1758 depuis l'Ile St Jean ne s'est malheureusement pas limité à celles des 5 bateaux arrivés à Saint Malo le 23 janvier 1759. Au départ du convoi, fin novembre, il y avait encore d'autres navires*, dont le Duke William , le Ruby et le Violet. Le Duke William avait embarqué 400 prisonniers, le Ruby 310, et le Violet 360. Mais après quelques jours de navigation, une tempête a dispersé la flotte.
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Alors que déjà 90 de ses passagers étaient morts de maladie, le Violet, qui prenait l'eau depuis plusieurs jours, a coulé le 12 décembre 1758, ne laissant aucun survivant.
Le Duke William a rapidement perdu lui aussi une centaine de passagers morts de maladie; puis il semble avoir commencé à se briser sous l'effet d'une mer houleuse le 10 ou 11 décembre; le capitaine et l'équipage se sont enfuis sur une chaloupe, laissant 296 acadiens périr dans le naufrage le 13 décembre. Seuls 4 prisonniers (sur 400) ont finalement survécu.
A son tour, le Ruby a heurté des haut-fonds au sud des Açores et fini par s'échouer sur des rochers le 16 décembre. 77 passagers étaient déjà morts pendant la traversée; 113 autres vont mourir dans le naufrage. On sait que 87 des 120 prisonniers survivants seront transférés sur une goélette portugaise et débarqués à Portsmouth le 4 février 1759. Le sort des 33 autres est inconnu (transférés vers le Portugal, la France, l'Angleterre?...). Il est fort probable qu'un certain nombre des survivants du naufrage, malades ou blessés, sont décédés rapidement, à l'instar des prisonniers débarqués à Saint Malo en janvier.
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Depuis l'an 2000, sur proposition du généalogiste acadien Stephen White, le 13 décembre est le "Jour du Souvenir Acadien". Outre les commémorations officielles, porter un brassard noir ce jour-là est une façon de porter le deuil des victimes du "Grand Dérangement".
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Notes:
* 14 bateaux au départ semble-t-il; on ne connait pas le sort de tous
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sources :
- Rolle des habitants de l'Isle Royale et de l'Isle St Jean qui ont débarqués à St Malo des paquebots anglois venant des colonies SCAVOIR Des Paquebots Le Yarmouth, de La Patience, du Mathias, de La Restoration, et du John Samuel débarqués le 23 janvier 1759
- Les Acadiens débarqués à St Malo durant la Déportation : http://www.migrations.fr/leyarmouth.htm#up
- Registre des inhumations de Saint Malo pour l'année 1759, AD Ille et Vilaine