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Avesnières, 1769-1771, le massacre des innocents

Le généathème de ce mois de mai est l'occasion

de finaliser un article abandonné dans la dernière ligne droite,

consacré à certains aspects de la profession de Nourrice au XVIII° siècle

 

***

       Les fondus de généalogie connaissent bien cela : on se décide à feuilleter systématiquement un très ancien registre paroissial en quête d'actes susceptibles de concerner nos ancêtres, et puis soudain on est happé par une découverte imprévue, et on se lance dans une recherche qui n'a rien à voir...

 

       C'est ce qui m'est arrivé le mois dernier, en consultant page après page le registre des sépultures de la paroisse d'Avesnières (aujourd'hui intégrée à la ville de Laval en Mayenne) en 1769. J'ai été soudain frappée par une situation tout à fait choquante : rien que cette année-là , chez un certain « Pierre ROCHER, journalier », n'ont cessé de mourir des nourrissons de quelques jours ou quelques semaines, issus de paroisses plus ou moins voisines ou de Bretagne. Point commun de toutes ces petites victimes – car à cette cadence, on ne peut parler d'alea inévitables de l'époque - : le fait d'être des enfants illégitimes, nés de pères inconnus, voire de mères également inconnues.

 

       J'ai donc fait un relevé systématique de cette année 1769, et le bilan de cette famille de Thénardiers est effrayant.

 

Jugez plutôt :

 

En un an, 26 nourrissons,

pratiquement tous décédés avant même d'atteindre l'âge de deux mois,

et jusqu'à 3 pouvant décéder le même jour !!!

 

       L'évidence saute aux yeux : Pierre ROCHER et sa femme étaient des nourriciers « cumulards » qui ne se souciaient pas de la santé des petits : ils en recevaient plusieurs en même temps, la variété des origines géographiques de ceux-ci leur permettant peut-être de tromper ceux qui les leurs envoyaient,  à moins que ceux-ci n'aient été complices de ce massacre programmé.

       Car, même à supposer que sa femme ait eu réellement l'intention d'allaiter les petits qui leur étaient confiés, il est évident qu'il lui était impossible d'en allaiter plusieurs à la fois ! Le plus probable est que ces enfançons aient été nourris n'importe comment, avec par exemple un mélange d'eau et de lait de vache ou de chèvre1... En tout cas, d'une façon qui, couplée à d'autres maltraitances (à commencer par celles du transport depuis des paroisses parfois lointaines), ne laissait aucune chance de survie à ces pauvres petits êtres marqués dès la naissance du sceau de l'infâmie et dont personne ne se souciait. Ce n'est sans doute pas un hasard si le couple ROCHER s'était « spécialisé » dans les enfants naturels ou trouvés. Trop de décès d'enfants légitimes aurait pu finir par déranger, mais ces petits bâtards, qui se souciait de leur sort ?... A eux seuls les ROCHER voient mourir chez eux plus de bébés que tous les autres couples de la paroisse réunis, parents ou nourriciers.

 

Le tableau n'est pas lisible pour vous2

mais chaque ligne bleue correspond à un décès de nourisson

chez Pierre ROCHER de janvier 1769 au premier août 1770,

soit en 18 mois.

Les lignes en blanc représentent tous les autres décès de nourrissons

de la paroisse sur la même période.

L'image est éloquente !

 

       A partir de la mi-juillet, toutefois, le rythme des décès chez les ROCHER diminue, passant à un par mois (ce qui est encore énorme). De plus, sur ces 5 enfants décédés, il est à remarquer que 4 sont cette fois d'Avesnières même ou de la ville de Laval toute proche. La réputation des ROCHER aurait-elle atteint les régions d'où venaient les nourrissons, les privant de leur tragique gagne-pain ? Et début 1770, plus aucun décès. Les clients ne semblent plus se bousculer, mais l'homme sait rebondir, et de nouveau je retrouve la trace de ses méfaits, avec 5 décès en avril, 4 en mai, 3 en juin ! … Il a en particulier trouvé une nouvelle source, qui va s'avérer la plus fructueuse pour les Thénardiers d'Avesnières : la paroisse Saint Aubin de Rennes, à 80 kms.


***

     Touchée par leur sort, j'ai fait quelques recherches supplémentaires sur certains de ces enfants. J'ai reconstitué par exemple la très courte vie tragique de Casimir, enfant trouvé un dimanche matin, exposé « dans un four », à Vignoc en Bretagne, et très vite envoyé chez Pierre ROCHER à Avesnières, à 95 kms de là, pour y trouver la mort à l'âge d'un mois et demi...

      Frappée par la coïncidence qui fait qu'en avril 1770 décèdent à deux jours d'intervalle deux nourrissons venus de la même paroisse Saint Aubin de Rennes, j'ai recherché leurs actes de baptême, d'autant que les noms de leurs mères m'intriguaient, tant ils sonnaient comme des pseudonymes : Pélagie de Saint-Malo et surtout Radegonde Tourne à Tous Vents, patronyme tellement improbable qu'il est sans doute un surnom... Je pensais à un surnom de prostituée, et j'avoue m'être sentie confortée dans cette hypothèse au vu des noms visiblement fantaisistes de plusieurs de ces mères solitaires dans le registre de la paroisse St Aubin, qui contient d'ailleurs de nombreuses naissances illégitimes : il faut dire que nous sommes à la ville et qui plus est dans le quartier de l'hôpital Saint Yves, où échouent bien des misères :

Noelle du Jeudi Saint / Pétronille Garde en Bas / Marie La Rencontre / Pauline La Douceur / Julie du Dévidoir / Bertranne La Dégoutée / Suzanne La Trompée / Radegonde De la Nuit / Persévérande L'Abandonnée / Cyprienne Tourlourette / Suzanne Gargarisme / Etiennette La Goupille / ...

et donc également Pélagie de Saint Malo et Radegonde Tourne à Tous Vents...

       Des surnoms évidents. Je pressentais de tristes destins de femmes condamnées à louer leur corps pour survivre, ou bernées par un amant beau-parleur, voire abusées par un violeur...

       L'originalité caractéristique de ces noms est telle que je devinais souvent en poursuivant ma consultation des registres de sépultures d'Avesnières quand un nourrisson venait de cette paroisse St Aubin de Rennes : on trouve ainsi des mères dénommées Gabrielle DE LA CONTREDANCE, Suzanne LA RUE...

       Et puis soudain, à regarder de plus près les deux actes de baptême qui m'ont guidée vers ce registre, j'ai relevé un élément intéressant :

       Dans les deux cas, l'enfant était « présenté par Demoiselle Angélique Marie DESMIEZ, épouse du Sieur Jacques BOBE DESSALES, sage-femme jurée qui s'en charge » . Ledit BOBE DESSALES était par ailleurs chirurgien, et donc accoucheur. Je me suis demandé si je ne tenais pas là un sérieux indice pour tenter de comprendre les liens entre certaines paroisses de Bretagne et Pierre ROCHER à Avesnières.

       J'ai fait alors une nouvelle recherche, cette fois paroisse Notre-Dame à Vitré, d'où venaient également plusieurs enfants, et bingo ! Les nourrissons en question avaient été présentés systématiquement au curé par une « Françoise ROUSSEAU, sage-femme ». Il y avait bien certainement là un élément du puzzle.

       Une fois le fil tiré, il ne restait plus qu'à le dérouler : je reviens aux décès d'Avenières en 1770, et le 18 mai décède la petite Madeleine Jeanne, fille de... Bertranne LA DEGOUTÉE (sic!), et bien sûr, la sage-femme qui s'en charge est… notre bien connue Demoiselle Angélique Marie DESMIEZ... Il devait donc exister un réseau mettant en contact nourriciers et accoucheurs, chirurgiens, voire curés ?... ce qui explique que nombre d'enfants venaient des mêmes paroisses.

     Après quelques mois sans ressources début 1770, (je ne peux croire à la survie, qui plus est durable, d'enfants chez lui), visiblement, Pierre ROCHER a donc su rebondir et trouver une nouvelle source d' « approvisionnement » à Rennes (désolée du terme, mais c'est certainement sa façon de voir les choses!).

***

       Toutefois, à partir de la fin août 1770, commence à apparaître un concurrent : un certain Julien MAIGNAN. Pendant quelques mois, les décès vont avoir lieu tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, et le curé en est perturbé dans ses habitudes : ainsi, le 18 novembre, en rédigeant un acte d'inhumation, emporté par son élan, il commence par écrire chez Pierre RO, avant de se reprendre et de corriger en Julien MAIGNAN...

 

 

       En fait, le 4 novembre 17693, Julien MAIGNAN, veuf de 33 ans, avait épousé Anne CHERUAU, jeune femme de la paroisse St Vénérand de Laval, âgée de 23 ans. On trouve parmi les témoins... Pierre ROCHER, qui signe maladroitement :


     Celui-ci était-il conscient que le nouveau marié ne tarderait pas à prendre sa place dans l'accueil des pauvres enfants illégitimes dans la paroisse ? Il est vrai que Pierre ROCHER, si je l'ai bien identifié, est né en 1720, et s'est remarié en 1746 avec une Marie LERAY qui, largement quadragénaire, ne pouvait plus guère, en 1770, continuer à prétendre allaiter des nourrissons. L'obsolescence de l'état de parents nourriciers était programmée...

       Pour Julien MAIGNAN, par contre, ce remariage avec une jeunesse était une bonne affaire. Je pensais trouver une naissance entre novembre 1769 et août 1770, ce qui aurait justifié des capacités allaitantes de sa nouvelle épouse, mais j'ai fait chou blanc... Heureusement pour lui, les (ir)responsables qui envoyaient les nourrissons illégitimes à Avesnières sans être troublés par les décès systématiques n'étaient pas à cela près, et tout juste dix mois après la noce, que l'épouse soit allaitante ou non, les enfants ont commencé à arriver chez les MAIGNAN.

        A partir de la mi novembre, on constate que Pierre ROCHER a jeté l'éponge. Désormais, les petits enfants trouvés ou de pères inconnus amenés à Avesnières depuis différents endroits de Bretagne ou d'Anjou se retrouvent systématiquement chez Julien MAIGNAN, qui va même accélérer le rythme, puisqu'en 1771, ce ne sont pas moins de 46 nourrissons qui décèdent chez lui, soit une moyenne de presque un par semaine, avec certains mois des pointes à 6 ou 7 !!

 

Les lignes bleues correspondent aux décès de nourissons chez Pierre ROCHER , les beige chez Julien MAIGNAN, les blanches représentent tous les autres décès de nourrissons de la paroisse sur la même période, d'août 1770 à décembre 1771, soit une périod de 18 mois.

 

       C'est bien simple, la grande majorité des actes de sépultures d'Avesnières pendant les trois années que j'ai étudiées (1769-1770-1771) correspondent à des décès de bébés illégitimes placés en nourrice chez Pierre ROCHER ou Julien MAIGNAN. Ainsi par exemple dans cette double page, 5 des 6 inhumations sont des bébés décédés avant l'âge de 3 semaines chez Julien MAIGNAN  :

 

AD Mayenne - E dépôt 201/E25 – 1771-1774 – Avenières – vue 34/150


       A un tel niveau, il s'agit d'un massacre organisé, visiblement dans l'indifférence générale, puisque les mêmes paroisses envoient inlassablement des nouveaux bébés au même nourricier :

105 nourrissons sont décédés

chez Pierre ROCHER ou Julien MAIGNAN

en 3 ans

Une véritable hécatombe !

 

       Les envoyer chez l'un ou chez l'autre, c'était les envoyer à la mort, dans des délais très rapides. Et pourtant, inlassablement, certaines paroisses continuaient à leur en envoyer :

Sur les 105 nourissons décédés chez l'un ou l'autre,

19 venaient de la paroisse St Aubin de Rennes,

13 de Laval tout proche, dont 9 de la paroisse de la Trinité,

9 de Notre-Dame de Vitré,

7 de la paroisse St Jean de Chateaugonthier,

4 de la paroisse Toussaint de Rennes...


       Ils venaient aussi de Saint Malo, du diocèse du Mans, parfois de Nantes, de Lannion, Fougères, de l'évêché de Tréguier, de Vannes, de Craon, Andouillé, etc... Une vaste toile qui s'étendait sur l'Ouest pour y récupérer des petits êtres sans défense, traités comme de la marchandise...

Avesnières - Carte de Cassini - gallica-bnf.fr

***

       Julien MAIGNAN avait décidément le sens des affaires : non content de se faire livrer des nourrissons, il lui arrivait de recevoir les femmes proches de leur terme, qui venaient accoucher directement chez lui, afin de dissimuler leur « honte » à leur entourage4.

       Ainsi le 8 octobre 1770, Ursule TABURÉ, « de la paroisse de Vitré », accouche chez lui d'un petit Pierre Marie, qu'elle lui confie, et qui meurt 10 jours plus tard...

        Le 4 septembre précédent, avait eu lieu l'inhumation d'un enfant d'une semaine, né le 17 août d'une femme « originaire de la paroisse de Sacé », venue accoucher à Avenières. L'enfant était décédé « chez Pierre ROCHER » , mais contrairement aux habitudes des deux pères nourriciers, Julien MAIGNAN avait assisté à l'enterrement. Alors, la femme avait-elle accouché chez MAIGNAN, avant de confier l'enfant à ROCHER ? Cela semble curieux. Reste évidemment la possibilité d'un lapsus du curé, non corrigé cette fois... Dommage que dans l'acte de baptême, ce soit la sage-femme qui ait amené l'enfant à l'église et que le lieu précis de la naissance n'ait pas été précisé, ce qui aurait pu résoudre le mystère.


***

       Arrivée au moment de conclure mon article, j'ai voulu chercher des éléments de contexte pour mes trouvailles, et, bingo!, je suis tombée sur un article de l'historienne Marie Christine Delamotte, disponible en ligne, et qui recoupait exactement ce que je venais de découvrir :

«Le triste sort des bâtards nouveau-nés en Pays rennais à la fin de l’Ancien Régime»5

         Je ne pouvais mieux tomber pour compléter mes découvertes !

        Ca a été l'occasion de confirmer l'intuition que j'avais eue sur la collusion entre certaines sages-femmes et les nourriciers sans scrupules. Effectivement, pour 40 livres (somme bien inférieure à celle demandée par l'Hôpital Saint-Yves pour les accueillir, dans d'aussi mauvaises conditions, d'ailleurs), certaines des accoucheuses se chargeaient de trouver des nourrices aux enfants dits bâtards. Ces nourrices – sèches en général, c'est à dire non allaitantes – étaient payées par un forfait unique et définitif à l'arrivée de l'enfant. Il était bien évident que l'intérêt financier des nourrices était que ces enfants ne survivent pas, et celui des accoucheuses d'en envoyer le plus possible ! D'où l'indifférence totale pour le sort de l'enfant, simple prétexte à un trafic bien organisé.

     J'ai effectivement pu relever dans les registres d'Avesnières que « Demoiselle Angélique Marie DESMIEZ épouse du Sieur Jacques BOBE DESSALES, sage-femme jurée » a envoyé entre avril 1770 et 1771 au moins 11 nourrissons chez Pierre ROCHER puis chez Julien MAIGNAN, et son mari BOBE DESSALLES, chirurgien, en a lui-même envoyé un (sa femme était sans doute indisponible ce jour-là...).

       Et une certaine « Perrine SAIMSAINT dit DUVAL, sage femme jurée », tantôt dénommée « Sage-femme DUVAL », tantôt « Demoiselle DUVAL BASSAC », « veuve BASSAC » , ou encore « Perrine SAIMSAINT BASSAC », en a envoyé au moins 7 chez MAIGNAN pour la seule année 1771.

 

       Je soupçonne que MAIGNAN avait rencontré la DUVAL en allant chercher lui-même des nourrissons à Rennes. Car ce Thénardier était bien décidé à tirer le maximum de ce trafic, et, alors qu'il était journalier, en novembre 1771, il devient « voiturier », autrement dit, il va lui-même chercher les nourrissons, et ainsi touche un double jackpot : le forfait pour la mise en nourrice, et le forfait pour le transport. Et peu lui chaut la façon dont les petits décèdent, que ce soit lors du transport ou peu après l'arrivée, il est toujours gagnant...

      De toutes façons, personne ne se soucie plus des conditions de transport de ces enfants que de celles de leur vie une fois arrivés à destination. J'ai ainsi trouvé le décès à Avesnières chez MAIGNAN le 12 janvier 1775 d'un nourrisson né et baptisé à Vitré (où l'affreux se fournit également, auprès de la sage-femme Françoise ROUSSEAU) la veille. Autrement dit, le bébé avait parcouru 45 kms le jour même de sa naissance, en plein mois de janvier. Aucune chance de s'en sortir... Mais l'argent était dans la poche de la sage-femme et de MAIGNAN... Et ceci alors qu'officiellement, le transport des nourrissons était interdit depuis 1769 ! Mais visiblement fort peu contrôlé et réprimé.

 

       Marie Christine DELAMOTTE5 a étudié les procédures judiciaires au Présidial de Rennes, par lesquelles le Procureur du roy de police de Rennes, Tronjolly, a poursuivi les administrateurs de l'Hôpital St Yves, des sages-femmes et des nourrices de Rennes, pour leurs maltraitances contre les nouveaux-nés qui leur étaient confiés.

        Des domestiques ayant travaillé à l'Hôpital Saint Yves livrent des témoignages effroyables : « Quelques fois on en mettoit dans le même lit jusqu’à huit, [ils] y restoient dans leur fange... elle a vu un enfant mort depuis trois jours caché au pied du lit ou étoient les autres enfans vivants ».

      Une autre « en a vu dix huit sur deux lits, [ils] mourroient comme des mouches ».

        Une autre témoigne qu'elle « trouva les enfans dudit hôpital très malproprement vêtus, que leurs ballières et couches étaient totalement pourries de manière qu'on ne pouvait pas seulement y toucher, qu'elles se déchiraient par lambeaux, qu'à deux de ces enfans elle vit des vers dans la chair, qu'il en mourut plusieurs dans cette malpropreté avant d'être mis chez des nourrices. »

 

       Les témoignages reçus par Tronjolly évoquent aussi des nourrices « ivres mortes », des enfants enfermés sans nourriture, ou abandonnés dans un jardin car ils empêchent la nourrice de dormir ! Une femme raconte que les sages-femmes recommandent « de nourrir ces pauvres enfans le plus mal possible afin de les faire périr plutôt », et une autre que la sage-femme surnommée la DUVAL « cessoit de donner aux nourrices des enfants lorsqu'ils vivoient plus de deux mois ». On y apprend également que cette DUVAL, âgée de 71 ans en 1782, a « une boutelle de liqueur qu'elle faisoit boire à certains d'entr'eux », qui bien sûr n'en réchappaient pas. Comment s'appelait l'une des sages-femmes qui envoyaient des nourrissons chez MAIGNAN, au fait ? Ah oui ! La DUVAL !!

       Accusée d'empoisonner des petits, celle-ci se défend en disant que « Tout le monde sait que ces fruits de la prostitution sont infectés de maladie vénérienne ou nés de mère que la honte de porter des enfans engage à user de breuvages propres à étouffer dans leur sein même... ».

 

       Par une sentence4 du 6 août 1783, la nourrice rennaise DUJARDIN est condamnée à « être par trois jours de marché consécutifs conduite les épaules découvertes par les rues et carrefours de cette ville et notamment rue Saint Hellier avis sa demeure afin d'y être battue et fustigée de verges, à être le troisième jour attachée pendant deux heures au pilory sur la place des Lices de cette ville […] un écriteau devant et derrière portant ces mots Nourrice inhumaine ».

       Quant à la DUVAL, sage-femme à l'origine du trafic, elle est condamnée à « garder prison fermée pendant un an ». C'est très peu cher payer pour tant de cruauté !

 

***

       J'avoue avoir été tentée de poursuivre mes recherches sur ce sujet, et bien sûr, la lecture de l'article de Marie Christine DELAMOTTE m'a passionnée. J'ai fait quelques sondages dans les registres d'Avesnières, et en 1779, Julien MAIGNAN sévissait toujours... Il va sans dire que lorsque j'aurai l'occasion de retourner aux AD d'Ille et Vilaine, je ne manquerai pas de consulter les liasses du procès concernant la DUVAL pour en lire tous les détails... Malgré tout, j'arrête là pour l'instant cette étude, car mes propres branches m'appellent, d'autant que je prévois quelques voyages « généalogiques » (en Mayenne et en Auvergne) lors des prochains mois...

Mais rien ne dit que je n'y reviendrai pas un jour où l'autre...

=====

Notes :

  1. Je découvrirai plus tard, que ce pouvait aussi bien être une soupe de pain noir, par ex

  2. Je ne sais hélas pas comment permettre de cliquer sur une vue pour l'agrandir sur la plate-forme Over-blog

  3. Vue 60 / 123 du registre paroissial d'Avesnières – AD Mayenne – E dépôt 201/E24 – 1768-1770

  4. Pierre ROCHER recevait vraisemblablement lui aussi parfois les parturientes chez lui, puisque le 17 février de la même année, c'est lui qui avait amené au curé un «  fils naturel de Marie GERBOUIN et d'un père inconnu » avec un « certificat de Monsieur HUBERT maître chirurgien de Laval ». il s'était d'ailleurs alors proposé pour parrain. Je n'ai pas trouvé de décès pour le nourrisson. Peut-être la mère a-t-elle élevé elle-même cet enfant ? D'ailleurs, elle semble être elle-même d'Avesnières. Il faudrait creuser la question et vérifier si les liens entre Pierre ROCHER et Marie GERBOUIN n'étaient que vénaux... Mais c'est une autre recherche...

  5. « Le triste sort des bâtards nouveau-nés en Pays rennais à la fin de l’Ancien Régime», Histoire culturelle de l'Europe [En ligne], Revue d'histoire culturelle de l'Europe, Regards portés sur la petite enfance en Europe (Moyen Âge-XVIIIe siècle), Pratiques liées à la petite enfance : place(s) dans la société et prises en charge spécifiques, Abandon, rejet/exclusion et dérives du nourrissage

  6. Je signale à l'attention de Sylvaine LENOIR que, dans le jury de la thèse de doctorat de Marie Christine DELAMOTTE sur La violence des femmes – Bretagne – XVIIIe siècle, soutenue à Rennes 2 le 12 décembre 2022, se trouvait Arlette FARGE

Tag(s) : #LeMoisGeneatech, #XVIII° siècle, #L'enfance autrefois
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