Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L comme... De Lorient à l'Orient

       A vrai dire, mon arrière-grand-père Ange Antoine Michel NOGUES est presque un intrus dans ce Challenge : né à Lorient le 6 février 1875, il s'y marie deux fois, et y décède, à l'âge de 46 ans, le 7 mai 1921. Mais on voit une fois de plus que le trio d'actes NMD peut être trompeur, car c'est l'un de mes grands voyageurs, et il a passé la moitié de sa vie très loin de son Lorient natal, même s'il n'a pas fait souche "ailleurs" (du moins officiellement)...

 

       Pour les garçons de Lorient au XIX° siècle, l'avenir était tout tracé : travailler à l'arsenal ou entrer dans la marine, et les cinq fils d' « Ange » Adrien NOGUES et Désirée Joséphine Armande LARMOIRE n'y ont pas failli.

 

        Rêvant certainement de voir du pays, Ange a choisi la seconde solultion : à 18 ans et 2 jours, le 8 février 1893, il s'engage pour 5 ans dans le Régiment d’Artillerie de marine. Petit dernier d'une fratrie de huit enfants (23 ans d'écart avec l'aînée), il suit l'exemple de son frère Félix Guillaume, engagé 2 ans avant lui et parti à Diego Suarez, à Madagascar. Mais, tandis qu'Ange a visiblement trouvé sa voie, Félix revient en France à la mi février 1894, échappant au terrible cyclone1 qui fait des ravages le 5 février, et se contentera désormais d'être ouvrier aux arsenaux de Brest et de Lorient.

        Très vite après son engagement, Ange embarque pour l'Orient, puisqu'il est en Cochinchine du 10 juillet 1893 au 19 mai 1894, tout d'abord comme deuxième canonnier servant, puis comme brigadier fourrier. Il passe ensuite dans le Haut Mekong en guerre (du 20 mai 1894 au 21 février 1895) et est de nouveau en Cochinchine du 22 février 1895 au 5 août 1895.

      L'Asie et la guerre doivent lui plaire, puisqu'il se réengage pour 3 ans, puis pour 5, etc... Il renouvellera régulièrement ses engagements, et sera militaire toute sa vie, très souvent dans des zones de guerre...

       Je me demande ce qu'ont pu être ses impressions, en découvrant l'Asie (puis plus tard l'Afrique), véritable choc culturel à une époque où il n'y avait pas les images de la télévision et du cinéma pour s'y préparer... Découvrir la guerre, aussi, à 19 ans...

***

     Etant donné sa longue carrière militaire, sa fiche matricule est plutôt fournie, mais pas toujours très claire, je dois dire, et j'ai parfois du mal à suivre et à comprendre son parcours asiatique... Il est notamment tantôt en Cochinchine, soit tout au sud du Vietnam actuel, tantôt au Tonkin, dans le nord...

        Je vois par exemple que fin 1899, il change de poste et devient maréchal des logis, ou qu'en 1908 (son fils avait un an), il est adjudant gardien de batterie affecté à la direction d'artillerie de Saïgon... Je ne sais pas quelle incidence a pu avoir pour lui le fait qu'en 1900 les troupes de marine deviennent coloniales et passent sous l'autorité de l'Armée de Terre, et que le 1er régiment d'artillerie de marine (1er RAMa ou R.A.Ma) devienne le 1er régiment d'artillerie coloniale (1er RAC).

        Curieusement, l'abondance des annotations sur la fiches m'embrouille plutôt qu'autre chose, car j'avoue que la chose militaire est loin de m'être familière.

 

       Toujours est-il que le 29 mars 1909, il est fait Chevalier de l’ordre royal du Cambodge, décoration attribuée "aux fonctionnaires français, officiers (et aux sous-officiers pour le grade de chevalier) ayant servi avec distinction pendant une période de dix années en Indochine".

Médaille de Chevalier de l'Ordre Royal du Cambodge

        Je n'arrive pas à savoir à quelles périodes il revient en permission en France. Alors qu'il est censé batailler bien loin de la Bretagne, il parvient à rencontrer à Lorient mon arrière-grand-mère, Emma LE CORRE - à quelle occasion? - puisqu'il l'épouse le 24 mars 1906, lui fait un enfant, mon grand-père Maurice, qu'il déclare lui-même le 13 avril 1907, et divorce à peine plus de 3 ans plus tard...

 

       Sur les listes électorales, dès l'année de ses 21 ans, en 1896, il apparaît tous les ans, 22 rue de l'Hôpital, au domicile de son père Ange Adrien et avec certains de ses frères... En 1902, ils déménagent tous 8 rue du Lycée. Ange est systématiquement répertorié à Lorient, mais n'y est en réalité que lors de ses permissions (dont j'ignore la fréquence et la durée). Ainsi, par exemple, de 1900 à 1902, il est censé habiter 22 rue de l'Hôpital à Lorient avec son frère Cyril Alexandre, et déménager en 1902 rue du Lycée avec son père, où il sera répertorié année après année, même après la mort de son père. Or sa fiche matricule le situe en Cochinchine du 27 janvier 1900 au 20 décembre 1900 et au Tonkin en guerre du 21 décembre 1900 au 25 mars 1902... Il est également dans la Cochinchine en paix du 1er décembre 1903 au 12 février 1905... puis du 15 juillet 1907 au 1er juin 1910.

 

        Et entre les deux (de février 1905 à juillet 1907), il est pour une fois à Lorient, puisque c'est à cette époque qu'il se marie et a son fils. Il est alors censé habiter rue du lycée, mais son fils naît cours Carnel, adresse de sa belle-mère. Les recensements de Lorient ayant malheureusement disparu, je ne peux savoir si mes arrières-grands-parents habitaient chez Félicie LE CORRE ou avec des frères d'Ange. Par ailleurs, lors du jugement de divorce de 1910, il est dit habiter rue de Kerfontaniou, adresse qui n'apparaît jamais dans les listes électorales (qui sont donc à prendre avec des pincettes). Comme il n'était que de passage à Lorient à ce moment-là, je me demande chez qui il pouvait habiter (ou s'il était dans une pension?).

        Cela m'a fait un petit choc le jour où j'ai découvert cette adresse rue de Kerfontaniou, car mes parents, qui ont habité quelques années à Lorient dans les années 80 y ont justement eu un appartement ! Bien sûr, suite aux destructions de Lorient pendant la seconde Guerre Mondiale, la rue et le quartier n'avaient plus rien à voir avec ce qu'avait connu Ange au début du XX° siècle, mais la coïncidence était quand même étrange.

***

       Mon grand-père ne l'a en fait jamais connu : il avait 3 mois lorsque son père est reparti en Cochinchine, et dès 1909, moins de deux ans plus tard, une procédure de divorce avec mon arrière-grand-mère a été enclenchée. Le couple a dû vivre vraiment très peu ensemble.

       Je n'ai aucune photo de lui ; le divorce avec mon arrière-grand-mère avait été violent et elle ne voulait plus en entendre parler. Tout juste se contentait-elle de dire qu'il était alcoolique et sujet aux crises de paludisme attrapé au Tonkin... Sa fiche matricule me dit qu'il avait les yeux bleus, détail notable dans ma famille d'yeux bruns... Ce gène récessif est-il toujours présent, attendant l'occasion de ressurgir dans une future génération ?

      Le premier avril 1910, Ange – qui portait bien mal son nom - obtient la médaille militaire comme adjudant-gardien de batterie coloniale en Cochinchine et semble partir juste après vers un autre continent et d'autres batailles, comme nous le verrons demain avec la lettre M...

==========

Note : Dans la nuit du 5 février un cyclone « court mais très violent»  a ravagé Diego Suarez. Dans son édition des 11 et 12 février le Figaro rend compte des informations que le gouverneur Froger a transmises, via l’Ile Maurice, au Sous-secrétaire d’état aux colonies : « Un cyclone épouvantable a ravagé Diego Suarez dans la nuit du 5 février. L’aviso-transport l’Eure s’est échoué, son renflouement est certain. Les bâtiments militaires et civils ont été très endommagés. L’hospice, l’école, l’église, le marché et les entrepôts ont été entièrement détruits. Les deux tiers des maisons sont culbutées et la population est par suite sans abri. Heureusement, peu d’accidents de personnes et aucun décès. Il nous est encore impossible de calculer les pertes qui paraissent considérables.»

Tag(s) : #Challenge AZ 2022, #Branche paternelle, #Ancêtres bretons, #Ancêtres du Morbihan
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :