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Carte de Cassini- Laval

Carte de Cassini- Laval

       Les femmes sont les grandes oubliées de nos registres, alors même qu'elles constituent bien sûr la moitié de l'humanité, et que c'est souvent grâce à leurs innombrables et périlleux accouchements que nous autres généalogistes pouvons suivre nos ancêtres à la trace, parfois année après année, découvrant ainsi certains déménagements, changements professionnels, etc...

 

     Dans l'Ancien Régime, elles apparaissent sur les registres paroissiaux lors des baptêmes, en tant que marraines, et lors de leurs propres mariages. On les aperçoit quelquefois (mais peu) dans un cortège funèbre, notamment lors de la mort d'un de leurs enfants, et... c'est à peu près tout!

 

       Elles sont bien évidemment absentes lors des baptêmes de leurs propres enfants, célébrés la plupart du temps aussitôt la naissance, quand elles sont encore épuisées par le travail de mise au monde. Mais même lorsqu'elles sont de toute évidence présentes, lors de tristes funérailles de famille, ou de joyeuses noces, les curés les passent sous silence. Ainsi par exemple, à Belle-Isle-en-Mer en 1760, même quand 11 mariages sont célébrés en même temps dans l'église de Bangor le 27 octobre, absolument tous les témoins cités sont des hommes. Et pourtant nul doute que des soeurs, tantes et cousines des 22 nouveaux mariés se trouvaient dans l'assistance...

 

AD du Morbihan - Bangor - 1760

 

"L'an de grâce 1760, le 27° jour d'octobre ... ayant interrogé l'un après l'autre lesdits futurs époux et épouses1 et ayant reçu leur mutuel consentement, les ai solennellement mariés par parole de présents en présence des parents et témoins ci mentionnés, savoir Martin et Yves THOMAS de Parlavant, Alexis THOMAS de Kguinolais, Martin LOREAL de Bordreneh, Henry LE GULCHER de Gouastin, François BEDEX de Bornor, Martin SEVENO de Bortemon, Martin QUEREL de Marta, Pierre LUCAS de Bordelouet, Martin BANNET, Bertrand LE MATELOT, Maria LE DIFFON, Bertrand LE FLOCH, Mathieu CARRIC du Grand Village, Louis THOMAS dudit, et Thomas THOMASIC de Krel, de cette paroisse qui ont presque tous déclaré ne savoir signer..."

 

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       Et c'est ainsi dans les différentes régions où j'ai pu faire des recherches (Marne, Côtes d'Armor, Ille et Vilaine, Morbihan, Landes, Puy de Dôme, Haute-Loire...).

 

       Seule autre exception à cette absence des femmes dans les registres paroissiaux, et dont j'ai déjà eu l'occasion de parler lors de mes deux articles sur mon ancêtre Marie Louise HERBAULT, sage-femme au XVIII° siècle : c'étaient les sage-femmes qui déclaraient les enfants nés hors mariage ou ondoyés à la naissance.

 

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       La création de l'Etat-civil lors de la Révolution Française en septembre 1792 va ouvrir une courte fenêtre pendant laquelle les femmes vont enfin pouvoir prétendre au statut de témoins lors de la rédaction d'actes de naissance, mariage ou décès.

      Mais si l'on prend l'exemple de l'ex-paroisse de Bangor citée plus haut et devenue commune avec les bouleversements politiques, on constate que si les naissances sont aisément déclarées devant un témoin de chaque sexe, il est probable qu'il s'agisse en fait assez souvent du parrain et de la marraine, et donc d'un calque de l'acte de baptême. Par contre, pour les mariages, il faudra du temps avant que des femmes ne soient effectivement choisies comme témoins. J'ai fait quelques sondages dans ma propre généalogie, dans diverses régions, on repassera pour trouver des femmes témoins... Les habitudes ont la peau dure, et les mentalités ne changent pas sur une simple décision légale.

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       Et puis en fait, très vite, cette visibilité des femmes sera, comme tant d'autres de leurs droits civiques et politiques, abolie par Napoléon, et le Code Civil de 1804 reprendra clairement dans l'article 37 du chapitre 1er une règle déjà établie par un décret du 11 mars 1803, stipulant que "Les témoins produits aux actes de l’état civil ne pourront être que du sexe masculin, âgés de vingt-un ans au moins, parents ou autres ; et ils seront choisis par les personnes intéressées. "

 

 

 

Ce nouvel effacement officiel des femmes dans les registres durera jusqu'à la loi du 7 décembre 1897.

 

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       Il est donc assez exceptionnel que, tout au long du XVIII° siècle, en Mayenne, tant les actes de mariage que ceux d'inhumation évoquent régulièrement des femmes parmi les témoins.

        J'ai pu ainsi relever par exemple que le 23 novembre 1713, à Entrammes, quand mon ancêtre Michel ERMOIRE épouse Marie DUBOIS, outre la présence de Marie BROU sa mère, le curé signale celle de Perrine et Catherine DUBOIS (dont il ne précise si elles sont soeurs, cousines ou tantes de la mariée).

 

        Trente ans plus tard, le 25 novembre 1743, toujours à Entrammes, lors du décès de Perrine ERMOIRE, fille de Michel, mon sosa 1088, une sœur de la défunte est citée par l'officiant : "en présence de Michel AIRMOIR frère qui ne signe et de Renée AIRMOIRE, soeur soussignée : Renée ERMOIR"

AD Mayenne - Entrammes 1743

 

         Toujours à Entrammes, 11 ans plus tard, le 17 octobre 1754, lors du mariage de Jean TRIQUET et de Louise LUCAS (fille de mon sosa 546, Jean LUCAS, garde des gabelles), la sœur du mariée est nommée comme témoin.

 

AD Mayenne - Entrammes 1754

       Un mois plus tard, cette fois à Courbeveille, mon ancêtre Jean ERMOIRE (sosa 272), beau-frère de la mariée précédente, dont il avait épousé la soeur Jeanne, et devenu veuf, se remarie avec Jeanne BOULEAU. Parmi les présents sont citées Marie ERMOIRE, "sa soeur" , ainsi que Marie et ?? BOULEAU "soeurs de l'épouse"...

 

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       Encore trois décennies, et le 25 novembre 1783, lors du mariage à Entrammes de François ARMOIRE, fils de Jean et de Jeanne BOULEAU, avec Françoise GUIARD, Marie, soeur de l'épouse, est citée par le curé.

 

       Cette (appréciable) façon de faire n'est pas propre à Courbeveille ou Entrammes, puisque le 29 novembre 1777, lors du mariage à Laval , paroisse de la Trinité, entre mon ancêtre Michel LARMOIRE, fils de Jean ERMOIRE et de Jeanne LUCAS (et donc demi-frère de François, que je viens de citer) et Marie JOURDAN, le curé cite non seulement Marie BARRé "tante maternelle" de l'épouse, mais également "Marie L'EVEQUE, Françoise L'EVEQUE et Jeanne GAUTIER toutes trois filles et cousines germaines de l'épouse".

 

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       Je ne sais à quoi est dûe cette ouverture d'esprit des curés de la région. Si c'était limité à deux ou trois décennies, on pourrait penser à une décision de l'évêque local. Mais ce phénomène se répète tout au long du siècle... C'est (encore) un mystère pour moi, mais j'avoue que j'apprécie...

 

 

 

       Et vous? Avez-vous rencontré ce cas de figure? Si oui, dans quelle région? Avez-vous trouvé une explication à cette particularité?... Je suis curieuse :)

 

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Notes :

1) soient 22 personnes! la messe a dû être bien longue ce jour-là!...

Lors de cet impressionnant épisode se sont entre autres mariés mes ancêtres Guillaume THOMAS (sosa 310) et Marie Louise CARRIC (S 311), ainsi que Marie Anne THOMAS, soeur de Guillaume et Epiphane CARRIC, frère de Marie Louise, formant une double alliance entre les deux familles. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer Epiphane dans un ancien article

 

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